jeudi 30 avril 2015

je suis une prof de merde.

voilà...ma confession : je suis une prof de merde...comment c'est arrivé? Å l'usure je suppose...petit à petit...Ne vous méprenez pas, j'adore mon boulot et honnêtement , je ne me vois pas faire autre chose...ce qui m'use, ce n'est pas l'inutilité de mes efforts ou l'inculture des jeunes, on s'y adapte , on s'y attache, on en rigole même...ce qui m'use, c'est la chape de plomb qu'on nous impose : on DOIT être un bon prof, on DOIT bien préparer nos cours, on DOIT être créatifs et participatifs et sympas et tolérants et de bonne humeur et blablabla bref on DOIT être des robots toujours heureux et contents de leur sort au nom de cette invention romantique, illusoire et culpabilisante : la vocation...je n'ai pas la vocation du professeur, je ne sacrifie pas ma vie privée pour soigner tous les problèmes psychologiques de nos chères têtes blondes (comme l'instit), j'improvise dans mes cours, j'oublie de compléter le journal de classe, je ne range pas mes cours, j'entasse les feuilles dans mon bureau, j'ai toujours au minimum 1 mois de retard dans mes corrections, j'oublie le nom de mes élèves (220 quand même), je m'en fous de leurs turpitudes émotionnelles d'adolescent qui les a empêché de me remettre leur travail, je m'ennuie pendant les formations, je suis sur fb pendant les conseils de classe ( vive le wifi au boulot), je brosse les portes ouvertes, repas de l'école et autres conneries chronophages et infantilisantes, je ne pense pas pouvoir faire la différence å moi toute seule , je veux juste donner cours et qu'on me fiche la paix avec les nouvelles méthodes pédagogiques à deux balles, je n'en reviens pas de la montée de la crétinerie chez nos jeunes ( un merveilleux électorat pour tous les extrêmismes à venir) et même je pense que certains de mes élèves sont hors sphère scolaire, irrécupérables , je ne suis pas formée en tout cas pour les récupérer, je ne crois pas que l'école d'aujourd'hui sauvera le monde de demain...bref je suis une prof de merde !!!

Je me souviens de mon premier jour d'école primaire : je m'étais habillée à genre 5h du matin pour être sure de ne pas être en retard...je voulais savoir lire, écrire, décider de mon destin, je pensais que le savoir , c'était le pouvoir..Je me souviens de madame Anne qui nous accueillait, jeune institutrice bienveillante et maternelle, elle semblait fière de chacun de nos progrès et nous encourageait à perséverer..à l'école, je me sentais chez moi, en sécurité et je respectais mes professeurs car je croyais qu'ils détenaient le savoir...Je pensais qu'apprendre était la chose la plus importante du monde et savoir nous rendait plus libre, plus heureux...cet amour de l'école ne m'a jamais quitté, pas une seconde, la preuve : j'y suis encore 30 ans plus tard .Je crois toujours au pouvoir du savoir, j'aime apprendre et j'écoute toujours avec délice "ceux qui savent"...j'aurais voulu partager cet amour de la connaissance avec mes élèves , les libérer de leurs chaines mesquines grâce à mon savoir mais ils ne voient pas les choses de cette façon. Ce n'est pas de leur faute, ni de la mienne, ni même de la société ou des parents, je n'aime pas blamer ou cherchet le coupable...Le monde évolue, les mentalités changent et la connaissance n'est plus une vertu de l'homme bien ! Aujourd'hui, il fait savoir faire, aimer réussir, gagner de l'argent, ...Mes aspirations semblent romantiques, dépassées, obsolètes...pourtant je continue à m'y accrocher, à y croire encore un peu en transmettant cette passion à mon fils : la passion du savoir, le gout de l'effort et l'amour de l'école !!