Devenir maman, c'est avoir la tête pleine de rêves : rêver de lui, de soi, de nous, de celle qu'on était, de celle qu'on sera, de l'avenir qui grandit en nous, du passé qui s'éfface, du présent , de la grâce...
Il sera Roi, prince, champion, concertiste mais surtout il sera un peu de moi,un peu de toi, un peu de nous...
Vient la naisssance, la délivrance, l'amour infini et déjà cette première minuscule intuition, quelque chose cloche...On se sermonne, on se raisonne, on accuse les hormones, on s'en veut de ne pas le trouver parfaitement parfait...
Première nuit, il est 2h du matin, il pleure....
Il ne veut pas de calins, il ne veut pas mon sein, il ne veut rien, il ne veut pas de moi, il ne veut pas de lui...rien ne se passe comme cela devrait ! ?..Est-ce que c'est moi le problème ?
J'appelle, on vient...on me sermonne, on me rassure, on le plaque contre moi en cododo, il se raidit, je veux le remettre dans son lit, elles me lancent ce regard qui m'accompagnera désormais partout, elles s'en vont. Je le redépose dans son lit, je ne le touche presque plus, je lui parle , doucement, de moi, de lui, de son papa, de la vie, du monde, ...il ne pleure plus, il m'écoute, si je m'arrête, il chouine...il se rendormira 3h de monologues plus tard ...ce rituel recommencera toutes les nuits pendant 15 mois...
Je dois apprendre à le toucher, à le réconforter, à l'apprivoiser , mon petit chat sauvage...Cela me prendra des jours, des semaines, des années, ...Chaque jour, il m'apprend encore. Ce n'est pas naturel, ni pour lui ni pour moi...
Le lendemain, le surlendemain, des visites, beaucoup de visites...On est gâtés, au centre de la fête...il est magnifique, c'est vrai qu'il est beau, il ressemble déjà à un petit garçon, il ne veut pas être petit, il veut grandir, toujours trop vite...Moi je ne ressemble à rien, en vrac, perdue, inquiète mais je donne le change, je souris, je ne réponds pas aux questions, les réponses ne semblent fausses...
La journée non plus, il ne dort pas beaucoup, il gémit face à la lumière, il déteste le bruit, la chaleur, son pijama jaune. Aujourd'hui encore il déteste le monde, le bruit, les lumièrres artificielles et ..le jaune !
C'est mon petit chat sauvage : il est heureux dehors, dans la nature, libre de courir et de découvrir, loin des contraintes sociales ou culturelles. Il dépérit dès qu'il est enfermé, attaché, entravé, obligé, retenu... Je voudrais lui rendre sa liberté mais je dois lui apprendre à vivre en société !
On rentre à la maison. Il ne pleure pas, il tremble, de tout son petit corps, pendant des heures...On se dit qu'il a froid mais en fait il a peur...de moi, du chien, de la machine à laver, des voitures, du chat, de l'eau bref de tout...Seul son papa arrive à le calmer, en peau à peau dans le fauteuil pendant des heures. Il ne veut pas de moi pour le réconforter, pour le bercer, pour le rassurer...Je ne me sens pas à la hauteur ! Baby blues me voilà !
La nuit, il ne dort pas ici non plus, il pleure, il mange, il me regarde pendant des heures. On dirait qu'il m'observe, qu'il m'étudie...
On alterne les pédiatres : Madame vous êtes trop ci, trop ça, pas assez ci, pas assez ça bref tout va bien, c'est dans ma tête , il n'a rien...Sauf qu'il ne dort pas, il ne mange pas et mêne des fois, il ne respire pas, il ne veut pas de moi, il pique des colères phénoménales que seul son père peut calmer ...Je ne suis pas mère, je suis personne ...
Le jour de ses 1 an , je pleure beaucoup...12 mois de calvaire, 12 mois que je suis mère et je ne sais toujours pas comment faire. Il se lève, il marche vers moi...Ses premiers pas !
Il me regarde, il sèche mes larmes, il ne comprend pas ...maman ? T'as de l'eau là? Oui il parle, déjà très bien, mais surtout sans arrêt...il est comme une radio impossible à éteindre !
Il ne comprend pas mes émotions , quand je suis triste, fachée, exaspérée, fatiguée, il ne voit pas la différence. Les émotions des autres sont un mystère pour lui, il ne sait pas gérer les siennes, elles sont extrêmes, violentes, en dents de scie, c'est comme être en permanence sur des montagnes russes . Ma vie est une montagne russe , un jour c'est l'enfer, un jour, le paradis !
15mois, 6ème pédiatre , enfin un diagnostic pour ses problèmes de sommeil : RGO interne dû à des allergies alimentaires. Il est brûlé de l'intérieur par les reflux acides Il ne se plaignait pas, il ne se plaint jamais quand c'est grave mais de tous petites blessures peuvent le traumatiser. Une source d'inquiétude en plus.
On commence un nouveau régime alimentaire : sans lait, sans gluten, sans acide...c'est un vrai casse tête pour les menus mais ça marche : il dort ...enfin !
Moi aussi je devrais dormir enfin, je n'y arrive plus, mon esprit carbure à du cent à l'heure toute la journée. Je finis par craquer, Burn out !
2 mois à la maison, je m'ennuie, j'épluche doctissimo, les forums, les blogs,...est-il HP ? Hypersensible ? Indigo ? Crystal ? TDAH? Je me perds dans les angoisses des autres . Mon mari coupe internet pour préserver ma santé mentale !
Reprise du boulot, reprise de mon esprit, je me reprends, je me remets à vivre. Je l'observe beaucoup aussi : il est drôle, curieux, attentioné, créatif, passionné et il a un charme fou ...il séduit les autres pour obtenir ce qu'il veut, il charme l'assemblée par des tours de passe-passe dont lui seul a le secret , mais moi je vois les failles derrière ce beau sourire énigmatique, je décèle ses limites derrière ses pirouettes de clown destinées à berner son public, avec moi, ça ne marche pas...et parfois il me déteste pour ça !
Au détour d'un blog ( mon mari m'a quand même remis internet depuis ouf) , une maman parle de son fils asperger...Tout ce qu'elle raconte, me parle , comme un miroir que l'on me tend . Enfin, j'ai compris ! Je devrais être heureuse, maintenant je sais ! Je suis anéantie ! Je sais maintenant, oui je sais que ça ne guérira pas !!!!
Je ne dis rien à personne pendant 3 jours...Je pleure, je lis, je pleure, j'observe, j'analyse, je pleure jusqu'à ce que je n'ai plus de larmes. Je réalise le chemin parcouru et le chemin qu'il me faudra encore parcourir alors je pleure ! J'ai peur aussi, peur de ne pas être assez forte, assez courageuse, j'ai même honte d'avoir peur...Mon fils est autiste ? Non il A un syndrome, il EST mon fils, l'amour de ma vie...
J'ose enfin en parler autour de moi, on ne me croit pas, pas encore, ça viendra...Je pense à consulter car les crises de colères, d'opposition, d'angoisses deviennent ingérables. Le terrible 2 est là. La violence extrême de ses réactions entraîne notre violence . On ne veut pas en arriver là. On a besoin d'aide. Le long chemin du diagnostic s'amorce.
Mon fils apprend autrement, il réfléchit autrement, il grandit autrement mais il est ma fierté car il fournit tant d'efforts pour y arriver. Dans notre vie, chaque petit pas est une victoire , la victoire de l'amour. Je suis une maman aspie, c'est un combat de tous les jours que je découvre chaque jour autrement mais qui a la meilleure des récompenses : le bonheur de mon fils !
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